lundi 8 février 2010

"MLF textes premiers" le Mouvement de Libération des Femmes fête ses 40 ans !

MLF «textes premiers» : Ouvrage collectif de textes réunis et présentés par Cathy Bernheim, Liliane Kandel, Françoise Picq et Nadja Ringart.

Ce livre vient de sortir, le MLF et toutes les femmes qui y sentent leurs racines ... fêtent leurs 40 ans ;o)

Une date de l'année 1970 est particulièrement connue, c'est le 26 août 1970 : "en solidarité avec les féministes américaines qui célèbrent le 50e anniversaire du droit de vote des femmes aux États-Unis, dépôt d'une gerbe "À la femme inconnue du soldat" à l'Arc de Triomphe à Paris."

Illustrations de cette note : elles sont tirées du livre qui comporte quelques affiches, photos, dessins ... pleins d'humour, de rage, d'espoir et d'énergie !

>>> Un blog à visiter à l'occasion des 40 ans du MLF : blog re-belles mis à jour très régulièrement, comprend une liste de questions/réponses très pédagogiques ! On peut y lire aussi ... le premier numéro (numéro Zéro !) du journal féministe LE TORCHON BRÛLE de décembre 1970 ... Blog re-belles ICI

>>> Le livre sera présenté à la Librairie Violette and Co ce mercredi 10 février 2010 à partir de 19h. Librairie Violette and Co, 102 Rue de Charonne, 75011 Paris. Métro Charonne. Infos sur le site de la librairie ICI

Mon avis : Dans ce livre, on s'émerveille car avec le MLF en 1970 et après, la parole des femmes se libère, elles osent, se découvrent elles-mêmes et entre elles, préoccupations communes, actions ... en tant que femmes, par et pour elles. Ce que je trouve merveilleux et émouvant, c'est que toute cette énergie se communique encore aujourd'hui à moi, lectrice, au fil de ces pages !!! ;o)

Voici des extraits du livre :

• (p. 15-16) «Ras le bol de leur idéologie pourrie !
QUI fait la cuisine pendant qu’ils parlent de la révolution ?
QUI garde les enfants pendant qu’ils vont à des réunions politiques ?
QUI tape les sténos pendant qu’ils rédigent et organisent l’avenir ?
QUI prend des notes pendant qu’ils ont le micro ?
QUI n’est pas à la tribune des meetings ?
QUI voit toujours ses initiatives récupérées au niveau de la parole et de l’action ?

C’est nous, toujours nous !

On nous dit : «Il sera toujours temps d’aborder ça plus tard.»Plus tard : après la révolution.Mais quelle révolution, faite par qui ?

ICI ET MAINTENANT, PAR NOUS
Partie intégrante du peuple
E POUVOIR À TOUT LE PEUPLE !»

• (p. 31-32)(...) Nous savons bien de quel côté sont les censeurs vertueux qui défendent la famille, les femmes et les enfants, ceux qui s’élèvent contre la contraception. Ils ont bien évalué quelles armes nous avons contre eux, par la contraception, nous les femmes, pour la première fois de l’Histoire. On nous a toujours soigneusement dissimulé que nous avions une fonction économique et que cette fonction économique fait notre force puisqu’en nous y dérobant, nous menaçons l’ordre établi.

• (p. 33)Les organisations révolutionnaires déjà existantes sont dirigées par des hommes. Le chauvinisme mâle y sévit comme il sévit partout. Nous y entendons que notre lutte est un «problème secondaire». Très rares sont ceux qui y accordent autant d’importance qu’à celle des travailleurs émigrés ici. Quand il s’agit de nous, les concepts qui rendent compte de l’oppression des peuples perdent comme par enchantement tout leur sens. Évoquer notre oppression provoque toujours une gêne et un malaise, bien souvent même parmi certaines d’entre nous. Elle fait si étroitement et si continuellement partie de notre vie (contrairement à celle des travailleurs qui trouvent un répi au sortir de l’usine) que, si on la met en lumière, il devient impossible de continuer à vivre comme par le passé...

• (p. 99) À quand la triple journée ; je m’ennuie ! Le thème du travail ménager émerge avec vigueur. Travail invisible, travail gratuit, auquel le marxisme comme l’économie classique n’accorde aucune valeur. On dénonce son caractère abrutissant, répétitif, démoralisant : quand c’est fait, ça ne se voit pas ; mais quand ça n’est pas fait, ça se voit ; ce n’est jamais fini. L’exploitation domestique des femmes est conceptualisée, dès 1970 dans le numéro spécial de «Partisans», comme un des piliers du système patriarcal.

• (p. 118-119, à propos de la grève dans une usine de bonneterie qui va fermer, à Troyes pour être délocalisée ailleurs : «Les Troyennes elles ont toujours été piqueuses, couseuses, de mère en fille comme elles disent. Très qualifiées, elles ne retrouveront de toute façon aucun travail identique et probablement aucun travail du tout.»)( ...)

«C’est une grève de femmes» : «Ce n’est pas simplement une grève ouvrière comme les autres, car ce sont des femmes qui la mènent. C’est la première fois qu’elles luttent ; et cela veut dire que, pour commencer, elles se découvrent entre elles et du même coup elles-mêmes. elles n’en reviennent pas de comparer ce qu’elles sont tout le temps de cette occupation «belle comme un rêve» car elles s’y aiment et se comprennent toutes pour la première fois : elles y découvrent leurs capacités d’action, d’initiative, d’intelligence, de solidarité. Elles mesurent leurs forces et quoiqu’elles aient gagné sur le plan strictement revendicatif, leur sentiment de victoire en est indépendant ; il est plus essentiellement lié à ce qu’elles ont osé faire, dont elles ressentent la portée exemplaire pour toutes les femmes.



• (p. 171)QUI DOIT DÉCIDER DU NOMBRE DE NOS ENFANTS ?
- Le pape qui n’en a jamais eu ?

- Le président qui a de quoi élever les siens ?
- Le médecin qui respecte plus la vie d’un foetus que celle d’une femme ?
- La mari qui leur fait guili-guili le soir en rentrant ?
- Nous qui les portons et qui sommes actuellement obligées de les élever ?

Avortement libre et gratuit
Mouvement de libération des femmes BP: FMA 370. 13 Paris

• (p. 203)Ah les salopes ! Il y a quelques mois le Ministère Public lance une plainte contre X pour outrage aux bonnes moeurs dans «Le Torchon». Deux X sont identifiées et inculpées. Comment ?
Une femme parce qu’elle est directrice de publication et qu’il faut une directrice de publication pour sortir le journal dans la légalité. Une autre femme parce qu’elle a signé un chèque pour avancer de l’argent au «Torchon». Elles sont inculpées personnellement, nominalement, individuellement, alors que «Le Torchon» est fait collectivement, sans responsables ni spécialistes, et que rien n’y est signé.


Une pratique collective et anonyme ne peut pas entraîner d’inculpation.La loi a besoin d’identifier, d’individualiser et de diviser pour pouvoir s’exercer.

• (p. 206) VOTRE LIBÉRATION SEXUELLE N’EST PAS LA NÔTRE !

• (p. 231) NOUS FEMMES Le racolage, on connaît, du TU-VIENS-CHÉRIE, en passant par les C’EST-À-VOUS-TOUT-ÇA, les ON-EST-SEULE ? même si nous sommes à 3 ou plus les COCOTTE-POULETTE-MIGNONNE-CHÉRIE, pour finir par les MAL-BAISÉES-PUTAIN-GOUINE, mais ça ne s’arrête pas là :
Nous sommes pesées, soupesées, estimées, évaluées, tâtées,

mais aussi PELOTÉES PINCÉES
mais aussi GIFLÉES ATTAQUÉES VIOLÉES

Pour échapper à ça, que faire ? Éviter de sortir ?
Notre seul «choix» c’est donc : CLOÎTRÉES ou AGRESSÉES;

La révolte des prostituées nous a appris qu’il existe une loi qui semble faite sur mesure pour nous protéger. Elle punit (article 40 du code pénal, alinéa 11) «ceux qui, par gestes, paroles, écrits ou par tout autre moyen, procéderaient publiquement au RACOLAGE de personnes de l’un ou l’autre sexe en vue de les provoquer à la débauche.»

Nous ne le savions pas. Pourquoi ? Parce que jamais on a vu un homme puni pour avoir emmerdé une femme...


MLF «textes premiers» , ouvrage collectif de textes réunis et présentés par Cathy Bernheim, Liliane Kandel, Françoise Picq et Nadja Ringart. Ed. Stock (2009), 296 pages, 19 euros.