L'auteur est psychiatre et anthropologue, traversé depuis toujours par la question des relations hommes - femmes. Il a travaillé auparavant sur la contraception masculine. Il nous partage ici ses passionnantes connaissances sur un sujet méconnu, peu discuté car assez tabou mais qui nous touchera toutes : la ménopause.
Il nous offre l'opportunité rare de traverser non seulement les siècles et les cultures sur le sujet ... mais aussi d'entendre l'expérience de femmes ménopausées, ainsi que des paroles d'hommes.
Ce sont surtout les témoignages directs de femmes qui m'ont attirée, car je n'en ai aucun et ça me manque. On a entendu vaguement parler de kilos en trop, de risque d'ostéoporose, de coup de vieux, de déprime, de bouffées de chaleur ... Mais j'aime le mot PAUSE dans ménopause ... qui évoque l'opportunité de prendre le temps, un autre rythme plus lent peut être mais chargé d'expériences de vie.
Ce qui est féminin : les règles ou l'accouchement, on nous en brosse déjà un tableau pénible d'apocalypse, je m'attendais au pire et du coup ça peut être une bonne surprise à vivre ... alors pour la ménopause ça sera peut-être pareil finalement ? une étape normale qu'on a la chance de vivre, chance d'être encore en vie ... (et la médecine est là en cas de besoin).
Présentation de l'éditeur : “La ménopause est un phénomène biologique universel ; sa représentation sociale ne l'est pas. En Occident s'est longtemps imposée une image négative de la ménopause. Il y a quelques années encore, certaines publicités vantaient les traitements hormonaux avec ce slogan : " Pour que la femme reste femme ". Elle ne le serait donc plus ? Dans d'autres sociétés au contraire, l'arrêt des règles signe un épanouissement social, amoureux, érotique des femmes, parfois même leur confère un pouvoir réel. Qu'en est-il vraiment dans notre pays aujourd'hui ? A travers une vaste enquête menée en France, l'auteur donne la parole à des femmes et des hommes de milieux et d'âges divers, sur ce qui est un sujet tabou autant qu'un enjeu social. Sexe, croyances et ménopause adopte un point de vue historique, anthropologique et sociologique pour conclure que la réalité s'avère bien différente des clichés...”
J'ai aimé l'humour du bouquin : humour involontaire des textes du passé (femmes ménopausées accusées de tous les maux, c'est vraiment "bonjour les sorcières"), humour féminin et féministe de femmes en lutte contre la dévalorisation de leur corps, leur statut, et enfin humour des femmes ménopausées sur elles mêmes, pour se rire du stigmate social encore lourd...
Et comme avec tous les livres que je propose, en voici quelques extraits qui vous donneront envie de le lire j'espère ;o)
• (p. 13) : "L'arrêt des règles et de la fertilité fait l'objet d'une construction sociale et culturelle dont l'enjeu n'est autre que la place des femmes dans la société et la définition des rapports sociaux entre les sexes. Le sort des femmes ménopausées varie considérablement d'une société à l'autre, d'un groupe social à l'autre, et parfois d'une famille à l'autre"...
• (p. 15) : la physiologie populaire établit fréquemment une équivalence entre bouffées de chaleur et règles, le sang menstruel non évacué montant alors à la tête. Or les précautions visant à soustraire le sang des règles à la vue d'autrui sont probablement universelles. J'établirais volontiers un lien entre ces deux attitudes. la bouffée de chaleur constituerait ainsi un équivalent visible du sang menstruel, cette fois impossible à dissimuler puisqu'il apparait au vu de tous sur la partie du corps la plus socialisée, le visage. La gêne ressentie devant les bouffées de chaleur correspondrait alors à la gêne provoquée par la vue du sang menstruel.
• (p. 21) : "On dit d'une femme qui ne peut plus avoir d'enfants que 'le moule est cassé' (...) 'le calendrier est retourné' disent les femmes en Bourgogne rurale. Le 'retour d'âge' lui m'est resté bien énigmatique jusqu'à ce qu'une grand-mère me dise que sa petite fille 'n'avait pas encore son âge' pour dire qu'elle n'était pas encore pubère. 'La boutique est fermée' se disait au XVIIe siècle d'une femme qui ne fait plus d'enfants. Nous nous intéresserons donc au sort de la boutiquière une fois la boutique fermée.
Une étrange histoire médicale ...
La médecine a commencé à s'intéresser à la ménopause en France d'abord à la fin du XVIIIe siècle, puis en Angleterre un siècle plus tard."
• (p. 42) : "La prévention de l'ostéoporose dite postménopausique, qui touche environ 30% des femmes de type caucasien, est devenue dans les années 1980 la pierre angulaire du discours médical académique sur le traitement hormonal. (...) Avec la prévention de l'ostéoporose, le discours médical quitte le terrain douteux de la jeunesse éternelle, de la séduction et de la féminité et aborde le domaine noble et sans ambiguïté de la pathologie grave."
• (p. 59) "les féministes américaines ont su batailler sur le terrain de la domination symbolique et déjouer le stigmate de la ménopause. Un groupe d'entraide les 'Red Hot Mammas' de San Francisco, a ainsi avec son nom revendiqué sur un mode enjoué un symptôme vécu jusqu'ici comme honteux (bouffées de chaleur se dit 'hot flashes' en anglais).
• (p. 86) : L'arrêt du contrôle : "Le contrôle de la filiation s'effectue notamment à travers la limitation des déplacements des femmes, jusqu'à la réclusion. À la ménopause cette exigence étant devenue sans objet, les femmes accèdent à une certaine liberté de circulation et de parole. À Bali, alors qu'une certaine réserve est imposée au sexe féminin, les femmes d'un certain âge peuvent, elles, tenir des propos obscènes aussi librement que les hommes."...
• (p. 135) "Anne-Marie, dans sa banlieue ouvrière, a d'abord insisté sur la simplification de la vie. Mais à la fin de notre entretien, elle décrit une altération de l'apparence, à travers des propos qu'elle attribue à d'autres :
'Sauf que de temps, on parle de 'c'est fini quand même', qu'on avance vers la fin de sa vie, enfin la vie d'une certaine vie, de... de jeunesse, de jolie peau, de joli teint, d'un corps qui commence à se déformer quand même.'
Un certain contrôle de ce corps est possible de nos jours, estime Anne-Marie : 'On ne voit plus ces grosses bonnes femmes avec ces grosses fesses, ces gros ventres, elles arrivent à faire attention' ... "
• [ce témoignage qui m'a amusée :o)] (p. 145) "On se dit : 'on n'aura plus d'élans amoureux ridicules, on sera paisible, sereine.' Si on leur dit, aux hommes : 'Écoutez je suis une vieille dame, foutez-moi la paix !' ça doit les décourager. C'est un peu de sérénité, vous voir autrement que pour la gaudriole. Ça évite les bêtises."
• (p. 138) : "la valeur sociale" : "La femme est brusquement dépouillée de sa féminité. C'est encore jeune qu'elle perd l'attrait érotique et la fécondité d'où elle tirait la justification de son existence et ses chances de bonheur" écrivait Simone de Beauvoir en 1949. Plus d'un demi-siècle après ces lignes, la majorité des femmes ne vit pas la ménopause comme une perte significative mais il n'est pas possible de faire la part de l'évolution historique dans cet écart."...
"Sexe, croyances et ménopause" de Daniel Delanoë, éd. Hachette (2006), 260 pages, 20 euros. Préface de Françoise Héritier.